Partage du pouvoir : quand les dés sont pipés

Pour Myriam, qui intervenait sur « Partage du pouvoir et démocratie« , plutôt que compter sur notre « démocratie représentative » si peu démocratique, il faut construire des alternatives où l’on exerce le pouvoir tous ensemble.

Myriam à la sortie du Tribunal de Bordeaux lors du procès du DAL.

Poétesse et militante du côté de Bordeaux, Myriam se définit comme « artiviste« . Ses engagements sont multiples, parmi eux l’Orchestre Poétique d’Avant-Guerre, Droit au Logement ou le Collectif Divers Gens aux dernières municipales et présidentielles (voir plus loin).

Lors de cette soirée, Myriam a d’abord posé la question : « La France est-elle un pays démocratique ?« , s’appuyant, pour y répondre, sur la définition du site Toupie.org.

La définition, la voici : « La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple, sans qu’il y ait de distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence…« 

Selon ce dictionnaire, les principes et fondements de la démocratie sont : la souveraineté ; l’égalité ; la liberté des individus ; la règle de la majorité ; l’existence d’une « constitution » et d’une juridiction associée (le Conseil constitutionnel en France) ; la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ; la consultation régulière du peuple (élection et référendum ; la pluralité des partis politiques ; l‘indépendance de la justice.« 

A partir de là, dit Myriam, le monde se scinde en deux : les pays démocratiques, notamment les pays occidentaux, et les pays non démocratiques ou ceux qui sont sur la voie de la démocratie et « que nous encourageons par des tas de moyens, y compris la guerre…« 

Si l’on reprend, point par point, cette définition de la démocratie, on s’aperçoit que la démocratie, en France, n’est pas une réalité : « Le peuple français est-il au pouvoir ? Avons-nous le contrôle sur les gens qui nous gouvernent ? Nous avons certes le droit de vote qui nous permet d’élire des représentants pour défendre finalement leurs idées, leur programme, pas les nôtres. Quant au contrôle, les dernières élections présidentielles on montré que nous ne contrôlons pas grand-chose et que même quand on arrive à dénoncer certaines choses, les puissants continuent à avoir le même comportement.« 

Peut-on parler de liberté individuelle sous un régime d’état d’urgence et après l’adoption de la loi travail ?

Peut-on parler de système électoral démocratique lorsque prévaut la règle majoritaire qui ne tient pas compte de l’abstention et qui donne tous les pouvoirs au parti majoritaire au détriment de la minorité ? Que dire de ces consultations « populaires » (cf. référendum sur le traité de Maastricht) dont les dirigeants ne tiennent pas compte ?

Peut-on dire que la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, juridique est réelle ? Myriam cite le procès mené par les institutions contre une action de Droit au Logement à Bordeaux, procès au cours duquel l’avocat de la partie adverse a lui-même déclaré que « pour l’Élysée il n’était pas question de laisser passer ça…« .

Peut-on parler de pluralité politique ou plutôt d’un système de communication qui avantage les grands partis et le discours dominant, « la pensée unique » ?

Les dirigeants de la France mettent pourtant en avant avec fierté ce système « démocratique » et n’hésitent pas à l’exporter… « à coups de canon« , dit Myriam. Peut-on être un pays à la fois démocratique et colonialiste ?

Le système de démocratie représentative majoritaire permet en fait la domination d’un système économique ultra-libéral et d’une élite, qui s’appuient sur une classe de professionnels de la politique.

Myriam parle de « démocratie confiscatoire » qui, sous le prétexte du droit de vote, au lieu de nous donner le pouvoir et le contrôle sur les élus, donne le pouvoir à des politiciens de métier qui font le contraire de ce qu’ils promettent (exemple de François Hollande qui, avant les élections, avait déclaré « mon ennemi c’est la finance« , et qui une fois élu a démenti ses propos par ses actes. Le tout aggravé par le poids de la pensée unique victorieuse depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, celle qui dit qu’ « il n’y a pas d’alternative » au système politico-économique libéral et qui est confortée par la dépolitisation des citoyens alimentée elle-même par le découragement et le sentiment d’impuissance.

Les alternatives montrent que le système actuel n’est pas inéluctable

Devant ce constat faut-il baisser les bras ? Myriam, au contraire, rappelle les nombreuses alternatives qui s’efforcent de construire des moyens d’exercer le pouvoir tous ensemble, dans le contexte de l’agir local et du penser global, en commençant par se changer soi-même.

Elle conseille d’aller voir le blog d’Abstention Consciente qui met en avant un certain nombre d’alternatives existantes :

Puis elle cite, à travers les époques, diverses expériences à commencer par l’expérience zapatiste au Chiapas, qui dure tout de même depuis 30 ans sur un territoire aussi grand que la Belgique. Cette expérience est pleine d’enseignements : assemblées populaires de l’ensemble des citoyens, partage du pouvoir, recherche du consensus, écoute des autres, représentation tournante, pouvoir de contrôle sur ces représentants et possibilité de les révoquer, éducation à la pratique politique…

Autres exemples, la gestion en démocratie directe de la ville de Marinaleda, en Andalousie, les « town meetings » (usage de la démocratie directe dans des villes états-uniennes), la Commune de Paris, la démocratie participative actuelle dans des communes françaises (entre autres à Vandoncourt, dans le Doubs, à Saillans, dans la Drôme, à Trémargat, dans les Côtes d’Armor, à Tordères, dans les Pyrénées-Orientales…), Nuit Debout, les Scop (« on n’a pas besoin d’un patron pour travailler« , souligne Myriam), ou encore, pour revenir à Bordeaux, le Collectif Appel Aux Sans Voix.

Les exemples sont nombreux et porteurs d’espoir. Ils montrent que le système de démocratie manipulé par les élites n’est pas inéluctable.

Au cours du débat qui a suivi cette intervention, Greg, le conteur de Greffeil, a invité les présents à se tourner vers l’inconscient collectif, que le conte fait remonter jusqu’à nous : « On peut puiser une grande force dans les luttes passées« .

Ecouter l’enregistrement audio de la conférence

(cliquer sur le lien, puis sur le fichier et sur « ouvrir »)

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Plus sur Myriam, artiviste

Myriam, alias m., est une poétesse, porte-plume et porte-voix de L’Orchestre Poétique d’Avant-guerre (OPA), collectif artistique et politique basé à Bordeaux.

Elle a contribué au lancement et à la vie de nombreux collectifs : Appel Aux Sans Voix – AASV (organisation d’un tour de France d’assemblées populaires en 2007) -, Droit au Logement de Gironde – DAL 33 (elle fait partie des condamnés pour avoir assisté des familles à la rue et finalement relaxés après l’arrêt de la Cour de Cassation) -, collectif Contre Les Abus Policiers – CLAP 33 (elle vient de remporter un procès contre l’État pour des violences policières dont elle a été victime il y a huit ans) -, Divers Gens (lancement d’une liste citoyenne pour les dernières élections municipales de Bordeaux puis pour les présidentielles 2017), le collectif Abstention Consciente avec un gros travail de recensement et d’information sur les alternatives existantes en France et ailleurs…

Les liens de m. :

Son parcours militant

Le prix de l’engagement : l’oppression

Le site d’OPA

Les vidéos d’OPA

Et encore

Abstention Consciente (2017)

Abstention consciente : une chanson de Myriam avec la fanfare rock La Collectore

Divers Gens (2014)

Appel Aux Sans Voix – AASV (2007)

Contre Les Abus Policiers – CLAP 33

Droit au logement de Gironde – DAL 33

Compléments d’information sur son intervention

Stopper la montée de l’insignifiance de Cornelius Castoriadis (1996)

Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

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