G. POUJADE, MAIRE DU SEQUESTRE (81): Quelle politique locale à partir de l’action municipale ?

Tarification sociale de l’eau, jardin partagé, mise en culture des « délaissés communaux », crèche, pistes cyclables, monnaie sociale : la municipalité du Séquestre, aux portes d’Albi, a mis en place un programme social et environnemental.

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Gérard Poujade a été élu maire (PS) du Séquestre en 2001 ; il est aussi l’un des 15 vice-présidents du Conseil régional Midi-Pyrénées (en charge du sport et de la vie associative). Son équipe municipale, après quelques tâtonnements, a dessiné un projet communal avec trois dimensions : culturelle, sociale et économique, environnementale. Gérard Poujade est intervenu lors des 3es Rencontres des Ami.es de François de Ravignan le dimanche 23 novembre 2014 à Greffeil. Une intervention empreinte d’humour, pour parler de choses sérieuses.

Le Séquestre avait environ 600 habitants dans les années 1970, dont 300 dans un campement de harkis puis de gitans. Dans les années 1980, des zones pavillonnaires se sont développées, jusqu’à atteindre 1 200 habitants en 2001 et 1 509 en 2012. La commune, de petite superficie (540 ha), est bordée par une rocade urbaine, l’aérodrome d’Albi et un circuit automobile.

A peine élue, la nouvelle municipalité a découvert la gestion municipale et a ressenti le besoin de définir un projet communal. Une réunion publique sur ce thème, avec 200 participants, a défini quelques objectifs : réaliser un PLU (Plan local d’urbanisme, pour remplacer le Plan d’Occupation des Sols), s’occuper des gens en difficulté et se pencher sur l’environnement.

A la faveur de l’élaboration du PLU (finalisé en 2005), la municipalité a utilisé l’Agenda 21 (1) « pour penser un rapport différent entre la collectivité et les habitants. » « Il fallait », explique Gérard Poujade, « penser les besoins des citoyens en fonction de ce qu’ils sont obligés de consommer : le logement, l’eau, l’alimentation, le transport. »

Objectif « zéro pauvreté »

La première réalisation de la municipalité pour répondre à ses ambitions a été la mise en place d’une tarification sociale de l’eau, avec un minimum vital livré sans taxation : les premiers 30 m³ consommés sont gratuits (y compris l’abonnement) ; ensuite, le coût de l’eau augmente par paliers en fonction du niveau de consommation, avec une dérogation pour les familles nombreuses. Veolia, qui gère l’eau de ce secteur, a repris cet exemple dans plusieurs endroits de France. Outre l’accès à l’eau pour les plus démunis, cette tarification a l’avantage de réduire les impayés.

Autre réalisation, un jardin partagé associatif de 4 000 m² « avec vocation à nourrir les habitants » et la mise en culture des délaissés appartenant à la commune (les bords de route…), sur un total de 5 ha. « La superficie de tous les délaissés de Midi-Pyrénées », dit Gérard Poujade, « est supérieure à celle des quatre parcs naturels régionaux de la Région. » Les délaissés seront utilisés pour produire de l’osier (pour la vannerie), du bois énergie, du maïs, du lin et du tournesol pour nourrir les poules du poulailler communal. A long terme, le maire voudrait développer la permaculture (agro-écologie intensive).

La commune a par ailleurs créé une crèche. Elle a aussi mis en place des pistes cyclables. Son objectif est d’équiper, en dix ans, 40 % des rues de la commune d’une piste cyclable séparée.

La mairie adhère aussi au projet de monnaie sociale, l’Occito, dans le but de « générer du Produit Intérieur Brut local ». Elle s’appuiera sur la monnaie numérique de la nouvelle région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, ce qui reporte un peu sa mise en place. Elle reposera sur plusieurs principes : monnaie numérique pour éviter le travail au noir (pas de pièces ni billets) ; tracée (savoir qui paie qui, pour éviter les trafics tels ceux permis par le Bitcoin, devenu « la monnaie de tous les trafics ») ; à parité avec l’euro (1 Occito = 1 €) ; et avec, à l’achat, une incitation pour les personnes à bas revenu : elles pourront acquérir 110 Occitos pour 100 € avec un plafond de 300 € par mois.

Globalement, la municipalité veut travailler en priorité, d’ici à 2025, sur quatre objectifs : « un territoire à énergie positive », « zéro déchet non recyclé », « commune entièrement compensée carbone et biodiversité » et « zéro pauvreté ».

En matière de pauvreté, Gérard Poujade met en avant la notion de « reste à vivre » : « En France, vous êtes pauvre si vous touchez moins de 850 € par mois ; mais, avec ce revenu-là, une personne seule propriétaire de son logement et une autre qui paye un loyer ne sont pas dans la même situation. » Le « reste à vivre » regarde le revenu restant lorsque l’on a payé loyer, énergie, eau et alimentation. Les statistiques montrent que 10 % des habitants du Séquestre ont un « reste à vivre » négatif (2).

Dégager pour ces personnes-là une économie de 30 € par exemple (notamment avec la tarification sociale de l’eau), c’est significatif, estime Gérard Poujade. Le jardin partagé, qui a été inauguré en novembre 2014, peut aller dans le même sens. Ainsi que le prix d’achat préférentiel de la monnaie sociale pour les personnes à faibles revenus.

Le maire du Séquestre n’a pas développé l’aspect démocratie participative : il a signalé l’existence d’un conseil agricole, d’un conseil des employeurs et d’un Conseil économique, social et environnemental communal (limité à 19 membres et à fonction consultative). Il semble bien que l’action communale, au Séquestre, n’échappe pas à la gestion d’en haut, chère à notre démocratie représentative, fut-elle pleine de bonnes intentions.

1) L’Agenda 21, mis en place en 1992 au Sommet de la Terre de Rio, préconise une démarche de développement durable à l’échelon des collectivités territoriales.

2) Ce taux est de 14 % dans le Tarn et 13 % en Midi-Pyrénées.

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